Éducation, cultures et pouvoirs

Cet axe regroupe des chercheurs dont les travaux couvrent les quatre périodes de l’histoire et qui explorent les interrelations entre savoirs, cultures et politique. Pour la période 2020-2025, l’équipe s’engage dans deux chantiers qui s’inscrivent dans la continuité des travaux conduits durant le contrat écoulé, tout en ouvrant et développant de nouvelles perspectives. Ils ont pour objet, d’une part, la constitution et la transmission des savoirs, les institutions (établissements scolaires, universités…) au sein desquelles s’opèrent ces processus et enfin les sujets qui sont impliqués ;  d’autre part, les formes et expressions des pouvoirs politiques.

Responsable : Stéphane Lembré, maître de conférences HDR d’histoire contemporaine

    1. Histoire de l’éducation

Au cours de la période 2020-2025, l’équipe se propose de travailler quatre thèmes qui, en continuité avec les contrats précédents, placent « les acteurs éducatifs en contextes » au cœur de ses analyses tout en élargissant les champs étudiés et en confrontant ceux-ci dans une perspective plus internationale.

1.1. Parcours des élèves et des étudiants en contextes : caractéristiques sociales, coût des études, orientation professionnelle et accès au monde du travail

Il s’agit ici à la fois de poursuivre le travail mené depuis quatre ans sur l’histoire des élèves, tout en le réorientant sur ses dimensions les plus inédites.

Parcours d’élèves en contextes : origines sociales des élèves et usage des réseaux d’établissements. C’est la suite directe des travaux menés depuis 2015 mais qui, désormais, se concentrent sur la question très délicate des origines sociales des élèves (en particulier des collèges et des lycées, sur la période 1802-1914) et sur l’usage différencié des réseaux d’établissements par les familles, en lien étroit avec leurs moyens financiers mais aussi avec le sexe des élèves. La question du coût des études, les modalités de financement, les aides potentielles de financeurs sont dès lors majeures et sont directement interconnectées à la question des origines sociales et des usages des réseaux d’établissements. Il s’agit de poursuivre les travaux entamés durant le précédent contrat en les complétant par des études de cas.

L’orientation scolaire et professionnelle apparaît comme un terrain relativement peu exploré sous l’angle historique alors même qu’elle confronte les représentations et les logiques d’action des enseignants, des pouvoirs publics, des familles... et des jeunes. Dans le sillage du « retour de l’acteur » et de l’intérêt pour l’agency, il importe d’écrire une histoire capable de démontrer la place réelle des jeunes et de leur famille dans le processus d’orientation.

Il est dommageable de vouloir reconstituer les parcours des élèves sur la longue durée et de stopper les analyses à la fin des années « collège » ou « lycée », alors que pour la frange très minoritaire des élèves qui suivent des études secondaires au XIXe siècle, la suite logique est souvent celle des études supérieures. Un travail sera consacré aux étudiants-étudiantes (1800-1940) et leurs caractéristiques principales (origines sociales, géographiques, place des femmes, filières choisies, etc.) entre 1800 et 1940.

1.2. Formation et identités des enseignant.e.s et des corps administratifs de l’Instruction publique

On s’intéressera aux parcours socio-professionnels des enseignants (du primaire et du secondaire) en liant ensemble la recherche de leurs origines sociales, leur parcours de formation et les étapes de leur carrière professionnelle. Il s’agira aussi d’étudier les savoirs et contenus de formation, à la fois théoriques et pratiques mais aussi les postures professionnelles exigées de ces enseignants, selon les périodes et les espaces pris en considération. Enfin une attention sera portée au contrôle et le conseil apporté aux enseignant.e.s par les corps « administratifs » que sont les chefs d’établissements et les corps d’inspection. Il s’agit ici d’étudier, au quotidien, le travail de contrôle opéré par les directeurs d’école, les chefs d’établissements et les inspecteurs sur leurs enseignants, leur respect ou non des « normes » exigées d’eux par les textes officiels mais aussi par les « usages ».

1.3. Acteurs et structures éducatives en contexte de guerre et d’occupation dans la France septentrionale

Ce thème a déjà fait l’objet de nombreux travaux mais deux axes sont mis en avant pour les années à venir. La fin du contexte commémoratif lié au centenaire ne doit pas signifier un arrêt du travail opéré bien au contraire sur les acteurs et structures éducatives durant la Première Guerre mondiale dans la France septentrionale. L’entrée par l’École et par ses acteurs (enseignants, enseignantes, élèves, étudiants) permet souvent de percevoir les réalités socio-économiques de cette période spécifique mais aussi d’entrer au cœur des relations sociales qui s’opèrent entre partenaires multiples dans des sociétés bouleversées par la guerre. On s’intéressera aussi aux acteurs et structures éducatives dans la zone rattachée au commandement allemand de Bruxelles (1940-1944).

1.4. Acteurs éducatifs, contextes et engagements politiques

Cette thématique a été ébauchée durant le contrat précédent. Il s’agit ici d’élargir la problématique en privilégiant trois thèmes. D’une part, l’usage des enseignants et administrateurs de l’Instruction publique comme relais politiques du pouvoir et le contrôle de ces acteurs éducatifs par le politique (1800-1940). Il s’agit d’analyser la manière dont les enseignants et les administrateurs se font « passeurs » d’idées, de consignes et de croyances politiques entre 1802 et 1940. L’autre thème concerne les engagements des élèves dans la vie de leur établissement et dans la vie de la cité. L’élève intègre-t-il, lorsqu’il rejoint son établissement, une unité de base d’une vaste armée scolaire qui interdit à ses membres de revendiquer, se voyant en permanence surveillé dans ses moindres faits, gestes et dires ? Sur la longue durée des XIXe et XXe siècles, peut-on identifier des mobilisations politiques d’élèves, comme en 1870 ou dans les années 1960-1970 ? Enfin l’équipe s’intéressera aux savoirs scolaires « du politique » : une attention particulière doit être portée aux « disciplines scolaires » ou « savoirs scolaires » (histoire, instruction religieuse, instruction civique et morale…) qui ont pour objectif, plus ou moins avoué, de former la « conscience politique des élèves » et de les faire adopter les principes du temps.

    2. Les expressions du pouvoir

 L’équipe se propose d’analyser les manifestations du pouvoir politique, mais aussi ses contestations à travers trois thèmes d’études à trois périodes différentes.

2.1.  Habitus et praxis. Pratiques, représentations et lieux du politique dans le monde romain du IIe siècle av. J.-C. au IVe siècle ap. J.-C.

Dans le prolongement du programme Monumenta, forte des acquis d’une collaboration réussie entre quatre équipes (Halma Lille, Artehis Dijon, Anhima Paris, CREHS), une réorientation des travaux autour des pratiques, représentations et lieux du politique dans le monde romain est envisagée. Il s’agira d’étudier les modalités de prise de décision, de diffusion et d’expression du politique dans une approche multiscalaire et sur la longue durée. C’est à partir d’une analyse conjointe des textes et des images, et de leur mise en scène dans les espaces considérés que seront analysées ces pratiques. Le programme s’attachera à intégrer dans ses enquêtes les dimensions de réception des pratiques et de constructions patrimoniales ; l’approche comparative sera également privilégiée. À ce programme est associée une base de données en cours d’élaboration : Les victimes de l’abolitio memoriae.

2.2. Dominatio

L’ambition de ce programme de recherche est d’observer les formes et les modalités de la construction du pouvoir au Moyen Âge, au prisme d’une relecture des observations théoriques de Max Weber sur les logiques de la domination, et notamment de celle, hybride, qu’il désigne sous le nom de « domination féodale ». Ce programme examinera les ressorts et l’articulation des modes de domination, autour de trois axes de réflexion : la « domination patrimoniale », les stratégies lignagères et les conflits territoriaux qui en résultent ; la « domination charismatique » et les modalités de production d’une croyance politique ; la « domination légale-rationnelle » et la formation des outils légaux et intellectuels de la domination.

2.3. Rhétoriques et politisation de la fin des Lumières au Printemps des peuples 

Il s’agit de poursuivre le travail entrepris au cours du précédent contrat en visant deux objectifs : d’une part, approfondir la notion de conflictualité politique, autour des dates des changements de régime (1814, 1815, 1830, 1848) et, d’autre part, publier en ligne des sources locales (discours, chansons, poèmes…).